Philippe FORCIOLI

Moi les mots

 

 

 
"...Vive la ronde des saisons, 
vive le monde..."

 

 

 

Je voudrais que mon crâne…

Je voudrais que mon crâne soit comme une chapelle
Abandonnée perdue au fond d'un val touffu
On entend bourdonner une mouche une abeille
Et l'on croît deviner des sourires aux statues
 
Je voudrais que mon cœur soit comme un feu dans l'âtre
Qui rougeoie dans la nuit avec sa bonne odeur
Dans les tisons l'on voit un mystérieux théâtre
De masques de chevaux de rires et de fleurs
 
Je voudrais que mon corps soit une goélette
Qui danse en s'amusant sur la crête des flots
A la proue le beaupré se moque des tempêtes
Tous les vents sont amis de ce fringant rafiot
 
Je voudrais que mes mains sachent guérir les peines
De tous ces fronts brûlants les enfants affolés
Ce pauvre homme qui pleure et cette bohémienne
Au milieu des bagnoles et comme hallucinée
 
Je voudrais que mes yeux comprennent la lumière
Qui dore toutes choses du long manteau de Dieu
Les paupières fermées plus loin que la prière
Embrasser d'un regard le profond puits des cieux
 
Je voudrais que mon âme demeure la fidèle
De ce chant lumineux en enfance jailli
Qu'au silence épanoui elle file comme une aile
Vers le grand rendez-vous du soleil de la Nuit

 

P.Forcioli.2015

 

Chante

 

Chante pour dépister le dépit et la poisse
chante pour déjouer les coups bas du destin
chante pour faire glisser le manteau de l'angoisse
chante pour saluer la bonté du matin
chante à l'Envolé
chante à l'aveuglette à la volette
chante à l'épervier chante à l'alouette
chante il n'y a que lui le chant pour se moquer
de l'absurde de la mort et des amours en berne
 
Chante pour taquiner ton gamin qui te boude
chante pour éclairer son visage grognon
chante pour amorcer la pompe d'huile de coude
chante dans ton chantier chante dans ton camion
chante à l'Envolé
chante à l'aveuglette à la volette
chante à l'épervier chante à l'alouette
chante il n'y a que lui le chant pour effacer
les promesses déçues et la plaie souveraine
 
Chante comme un ruisseau qui fidèle s'écoule
loin dans un vallon sous les ajoncs caché
chante comme ronronne le matou en boule
chante même en dormant ton poème secret
chante à l'Envolé
chante à l'aveuglette à la volette
chante à l'épervier chante à l'alouette
chante il n'y a que lui le chant pour partager
tes chemins tes deux mains ton bouquet à la reine
 
Chante auprès du feu pour tes copains de terre
chante à la mi-nuit à la lune perchée
chante à faire monter les larmes à tes paupières
chante pour desserrer les nœuds de ton gosier
chante à l'Envolé
chante à l'aveuglette à la volette
chante à l'épervier chante à l'alouette
chante il n'y a que lui le chant pour célébrer
la grâce la beauté la paix et le mystère
 
Chante
sans te
soucier de rien
ni des mots ni des notes
chante
tente
de toucher au pays
d'où le vent tout enchante
 
P.Forcioli – Août 2014

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Philippe Forçioli a publié :
Routes de Feuilles 1993, 155 pages 
Balladin baladant
2012, 221 pages 

 

Photos : Anne Marie Panigada